La vie d’un village bat au rythme de son marché. Il est le lieu privilégié des rencontres et des échanges. Un village qui perd son marché perd un peu de son âme. Ces dernières années, les habitudes de consommation de masse ont détourné les gens vers les périphéries commerciales, les jeunes générations connaissent surtout la loi du caddie et se regroupent plus volontiers au centre commercial.
Mais un simple comparatif entre les prix pratiqués sur les légumes et leur provenance ancrée dans le terroir local réhabilite le marché de village et ses marchands ambulants.
Un marché dangereux
Le marché de Nogaro se tient depuis des années place Jeanne d’Arc, sur le tracé de la nationale 124. Les étals se distribuent de part et d’autre de la route et c’est donc sur la chaussée que les chalands sont invités à se déplacer pour aller d’un étalage à l’autre. La circulation ne pouvant être déviée dans les 2 sens, c’est tout logiquement que le flux de voitures particulières, de camions de marchandises et de semi-remorques passe au beau milieu du marché.
Ce sont donc bien « des motifs de sécurité qui ont motivé la décision de déménager le marché », nous confirme l’adjoint au maire de Nogaro, monsieur Gaston Beaumel. Il faut dire que le drame du marché d’Auch, où une femme a été tuée par un camion, a convaincu tout le monde de la nécessité d’agir avant qu’une tragédie ne frappe Nogaro.
Deux emplacements de choix
Le 3 mai prochain, le conseil municipal aura la délicate tâche de trancher entre deux sites présélectionnés pour l’implantation du marché.
La place Alsace-Lorraine, d’où est parti le monument aux morts trônant maintenant sur la place de l’église, a bien des attraits. A quelques dizaines de mètres du marché initial, elle reste au cœur de la ville, à côté des commerces et peut être irriguée par les différents parkings du centre. Facile d’accès, elle peut être totalement fermée à la circulation les jours de marché. Les usagers du marché pourront y flâner à leur aise et l’été, c’est tout le marché qui sera ombragé pour le plus grand confort de tous. Cependant, sa position et sa taille limite de facto le nombre d’exposants, l’espace dont ils peuvent bénéficier chacun, et certains d’entres eux, équipés de grands camions, risquent d’avoir des difficultés réelles pour continuer à exposer.
Les allées Parisot, face à l’agence France Télécom, sont plus vastes et plus accessibles aux camions des marchands. Elles restent sur le parcours de la nationale 124, ce qui permet de penser que les achats de passage continueront. Elles aussi ne sont qu’à quelques dizaines de mètres de l’emplacement initial. Le marché pourra se déployer sur toute la longueur des allées et ainsi autoriser son extension. Par contre, ce site est plutôt excentré, voire isolé par rapport au reste des commerces et l’accès est moins aisé pour les piétons, vu le relatif éloignement des principaux parkings de la ville. Le site subira une partie des nuisance liées à la proximité immédiate de la nationale, bien que cela n’aura plus du tout le même caractère de dangerosité qu’actuellement. Et l’ombrage y est nettement moins généreux que sur la place Alsace-Lorraine.
De l’arlésienne à la polémique
Les discussions autour de la nécessité de changer l’implantation du marché de Nogaro allaient bon train depuis tant d’années que finalement, tout le monde s’était un peu résigné à l’immobilisme. Il faut dire que les avis étaient partagés sur la question. Si une partie des chalands trouvaient en effet le marché assez peu pratique, voire désagréable – « avec de jeunes enfants, ce n’est pas possible de venir » commente une mère de famille – une partie des commerçants à proximité immédiate du marché voient d’un mauvais œil l’éloignement de cette activité attractive. Des exposants sont carrément hostiles à un déplacement du marché, comme monsieur Claude Roumat qui a bien voulu nous exposer son point de vue. Pour lui, « ce marché, c’est nous qui le faisons ». Il considère qu’un déplacement du marché amputerait probablement son revenu « jusqu’à 50% des recettes ! Imaginez que du jour au lendemain, on vous retire la moitié de vos revenus ! ». « Les allées Parisot sont trop loin de tout » et « la place Alsace-Lorraine est trop petite », des arguments dont nous avons déjà souligné la justesse. « La place actuelle convient très bien » et « les camions roulent très lentement et ne gênent personne ». « Le déménagement se fera sans moi », lance t’il, définitif.
Au-delà de la faconde et de l’engagement réel de Claude Roumat, on peut comprendre son inquiétude quant à l’avenir du marché en général et des revenus des exposants en particulier. Cependant, il faut se rendre à l’évidence et admettre que ce marché aura besoin pour perdurer et se développer d’un nouveau site plus accueillant pour les clients et qui permettra de ménager les nécessités de chacun au mieux de l’intérêt général.
Verdict au conseil municipal du mardi 3 mai.