Bien que les fêtes soient passées, le sort des plus pauvres d’entre nous continue de préoccuper les Français, ne serait-ce qu’en repensant à  cette vie entière passée au service des autres que fut celle de l’abbé Pierre.
Donc, petit tour aux Restos du Cœur de Nogaro, pour comprendre comment fonctionne ce qui, avec le temps, est devenu une institution. Hélas.

Une vie au service des autres

Comme souvent, l’endroit est un peu à  l’écart. Ici, c’est la vieille gare désaffectée du village qui sert de zone caricative, les Restos occupant le local mitoyen de celui du Secours Populaire. La porte des Restos est grande ouverte sur une façade aveugle. Il y a quelques semaines, les Restos ont été cambriolés. On a du mal à  imaginer comment des gens peuvent penser à  prendre à  ceux qui n’ont déjà  plus rien.

« Il y a des gens qui ont fracturé la porte, qui son rentrés, qui ont pris toutes les boîtes de conserves de viande, pas les légumes, presque tous les paquets. à‡a nous a choqués. On se dit qu’il y a des gens qui ont pris à  d’autres personnes leur nourriture. Nous sommes restés deux semaines sans rien pouvoir distribuer. »
Du coup, par mesure de sécurité, les fenêtres ont été murées. Le soleil ne passe plus. Quand on parle, une petite buée se forme autour de la bouche. Chaude ambiance.

A l’intérieur, elles sont trois à  s’affairer : Élodie, la trentaine avenante, c’est elle qui m’a ouvert les portes du centre; Françoise, une volontaire discrète et Mme Atkinson, la responsable du site.
Petit moment de flottement. Puis la parole vient, tranquillement, pleine de chaleur.

 

C’est Madame Atkinson qui s’y colle. 14 ans de resto. Elle, qui y est arrivé un peu par hasard est toujours là . Malheureusement.

L’évolution des Restos

« Au début, on gérait l’urgence » : les bénévoles recevaient de grands sacs de 25 kilos de riz, de poids chiches, à  charge pour eux de les répartir dans de petits sacs. Il fallait fournir des calories, vite. Aujourd’hui, les menus sont validés par des diététiciens, à  Paris : diversité, équilibre. Il faut éviter que les bénéficiaires des Restos se retrouvent avec des carences alimentaires, d’ajouter la malnutrition à  l’ensemble de leurs problèmes. L’accent est mis sur les fruits et les légumes frais, et les laitages. Tout ce qui est très cher. Hors d’atteinte pour les plus modestes. Mais là , les dons en nature se font rares, il faut souvent acheter les produits. Les surplus agricoles sont pourtant les bienvenus.

Cependant, les Restos ne peuvent fournir qu’un repas par jour, pendant 4 mois. Le reste du temps,il faut se débrouiller.

Le public des restos

Au fil des années, le public, au départ occasionnel, tend à  devenir un public d’habitués, de gens qui sont installés durablement dans les difficultés. Aujourd’hui, les bénéficiaires des Restos, se sont essentiellement des familles monoparentales avec enfants dont les revenus ne permettent plus de sortir de la grande précarité. « Depuis l’année dernière, nous avons aussi 2,3 mamies. Des personnes à  la retraite. Parce que leurs pensions sont tellement basses, parce que la vie a tellement augmenté, qu’elles ne peuvent plus y arriver. C’est terrible. Allez dire à  une personne âgée que ça va s’arranger… »

Même si venir aux Restos n’est jamais chose facile, pour beaucoup, il s’agit de sortir de son isolement, de sortir, de boire un café tranquillement en discutant, de se resocialiser un peu.

« Il n’y a jamais eu autant de gens inscrits que cette année. Ils sont de plus en plus pris par les difficultés. Parce que les candidatures (d’emploi) ne débouchent pas, parce qu’ils descendent, ils se retrouvent au RMI, donc c’est encore moins : 546€ pour deux personnes, et là -dessus faut tout payer. Alors, ils ne s’en sortent plus. Il ne s’agit pas spécialement de situations de surendettement, non, rien n’a changé, leur revenu est souvent le même ou descend tout doucement. Mais tout augmente. Et à  un moment, ils n’y arrivent plus. »

Ce qui étonne encore Mme Atkinson, c’est que les gens ne se plaignent pas, ne se lamentent pas. Ils viennent juste un jour en disant : « Bon, là , je ne peux vraiment plus, je suis obligé de venir! ». Les gens essaient toujours de s’en sortir tout seuls, jusqu’au bout, jusqu’à  ce qu’ils soient arrivés au bout de tout.

Il y a près de 70 familles de bénéficiaires des Restos du Cœur qui viennent se ravitailler à  Nogaro. Cela représente plus de 200 personnes, dont près de 60 enfants.

Dans le grand local où s’entassent les cartons de vivres, Françoise, bénévole depuis des années, s’occupe de répartir les vivres de la semaine entre les différentes familles inscrites, à  chacune selon ses besoins.
Mme Atkinson, radieuse, présente un des petits « plus » des Restos. De temps à  autre, des entreprises donnent des surplus. Là , il s’agit d’un kit d’hygiène de bonne qualité venant d’une grande marque de cosmétique. D’autres fois, ce sera les pâtissiers du village qui fournissent les Restos en bûches de Noà«l. De petits éclats de joies et de partage.